Alfredo Balucun, Professeur
Master 1 Economie monétaire et Stratégies Financières
Plan de sauvetage de banques privées en
Guinée Bissau
par le Ministre des
Finances, Geraldo Joao MARTINS
FORCES et FAIBLESSES
Les
résultats préliminaires de la dernière mission du FMI dans notre Pays au titre
de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) notamment du plan de sauvetage de
certaines banques privées, ont tout naturellement provoqué une vague de
réactions, de débats dans la sphère économique, financière et monétaire. De
mémoire, il n’y avait jamais eu autant de réactions concernant d’autres problèmes
plus graves tel que le Fonds pour la promotion de l'industrialisation des
produits agricoles (FUNPI) où des millions de dollars se sont
volatilisés entre les périodes 2010-2012. Le FMI et la Banque Mondiale y
avaient injecté
plus de 20 millions de dollars US sans parler
des pertes financières gigantesques des entrepreneurs et commerçants guinéens inhérentes
à leurs recettes d’exportation de la noix de cajou… Ces réactions toutes légitimes témoignent
d’une part, l’amour que nous avons tous pour une Guinée Bissau émergente et la
volonté de partager notre connaissance économique et financière, d’autre part. Tous
ces sujets de grande importance nationale méritent des réponses analytiques objectives
pour la compréhension de nos concitoyens même si je reste persuadé que
cette opération de sauvetage coûtera
encore plus chère aux contribuables du fait de sa remise en cause prévisible par le nouveau gouvernement:
11) Le conseil d’administration FMI a-t-il décidé de
suspendre ou de remettre en cause sa collaboration économique et financière
avec la Guinée Bissau en raison d’un mauvais sauvetage financier ? Généralement, c’est sur la base des résultats d’analyses économiques préliminaires de la
mission que les experts prépareront un rapport qui devra être approuvé par la
direction avant d’être présenté au Conseil d' administration
du FMI pour discussion puis décision finale. En dehors de leurs déclarations
préliminaires, les experts n’ont aucune compétence institutionnelle pour
prendre des décisions. A ce jour, des dizaines de rapport sont en attente de
validation par la Conseil d’Administration du FMI d’ici fin 2016 parmi lesquels
la Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Tchad, Niger, Guinée Conakry, Guinée Bissau... Il
n’existe donc à ce jour, aucune décision de suspension de collaboration
avec notre pays contrairement à ce qu’on peut lire ou entendre.
22) A quand date cette demande de Facilité Elargie de
Crédit (FEC) pour la Guinée Bissau ? La première demande date en réalité
de 2012 avec le Gouvernement de transition dans un contexte politique de coup
d’Etat. Cette demande a été réadaptée et approuvée en Juillet 2015 avec le
Gouvernement DSP pour trois ans 17.040.000 DTS (environ 23,9 millions $, 120
pour cent du quota). En outre, le FMI a également conclu 2015 article IV
consultation l'approbation de décaissement immédiat d'un montant équivalent à
2,84 millions de DTS (environ 4,0 millions $ US, 20 pour cent du quota de la
Guinée - Bissau).
33) Que pouvait faire le gouvernement devant une situation
économique très déplorable datant de cette période de gouvernance transitoire ?
Renégocier
le Programme de Financement Elargi pour mieux l’adapter à la nouvelle situation
conjoncturelle : l’effondrement des marchés financiers, l’incapacité des
banques à soutenir l’économie en manque de liquidités, d’épargne et donc
d’investissement, l’effondrement de la balance commerciale et de la balance des
paiements, la paupérisation croissante de l’ensemble des agents économiques. Cette situation
économique catastrophique antérieure à la période de 2013, engendre des
« prêts toxiques » qui fragilisent le fonctionnement des principales
banques privées du marché, des entreprises, des particuliers et paralysent
l’activité économique même si celle-ci ne repose pas essentiellement sur les
réseaux bancaires mais sur les réseaux
parallèles. Pour ces raisons, le Gouvernement avait deux types de
stratégies :
-
soit la relance par la consommation des ménages,
spécifiquement à destination des populations démunies, rencontrant de
profondes difficultés soit plus de ¾ de la
population. Une telle stratégie répondrait aux critiques formulées aujourd’hui
mais aurait pour conséquence directe l’augmentation du taux d’inflation parce
que tout simplement, nous ne sommes pas en période de croissance économique
stabilisée.
-
soit la relance par l’investissement, par des principales banques et institutions
financières privées, principales distributrices des crédits dans le marché
national. Cette stratégie avait pour but de
stimuler l'activité du secteur privé, la priorité devrait être accordée à
l'amélioration de l'environnement des affaires, et l'amélioration de
l'infrastructure et l'accès aux services financiers. C’est également l’un des
moyens d’entreprendre les réformes structurelles nécessaires pour renforcer
la compétitivité et parvenir à une croissance diversifiée et inclusive. Des réorientations économiques et
monétaires étaient non seulement
nécessaires mais urgentes au risque de voir s’écrouler tout le système
économique, financier et bancaire de notre Pays. Toutefois, l’injection des fonds publics pour sauver le système financier et
bancaire « the Rescue » n’était certainement pas le meilleur remède
pour un pays dont la balance commerciale et de paiement connaissent un déficit
chronique. Le gouvernement avait-il
d’autres choix devant la faillite prévisible du système bancaire ? Comme on a coutume de dire « entre 2
maux, il faut choisir le moindre ». C’est dire qu’aucune des solutions
proposées par les uns et les autres n’était meilleure. Il est néanmoins
regrettable que des consultations plus larges n’aient pas été organisées
au-delà des partenaires directs concernés par le plan de sauvetage pour mieux
informer l’ensemble des agents économiques de l’opportunité d’un tel choix qui
les concerne. De même, il serait intéressant de savoir quelles sont les
répercussions positives sur les banques secourues, sur l’emploi, sur les
entreprises créées, sur la croissance économique donc sur le PIB bref sur le
retour à l’investissement. Toutefois, le peuple connaît les résultats concrets
qui ont été réalisés en matière de croissance, de création d’emplois dont le
Guichet Unique a été l’outil dynamisant,
l’accroissement du nombre d’entreprises créées, la facilitation des formalités
de création, l’accueil croissant de nouveaux investisseurs étrangers…Le seul tort
du Ministère des Finance est peut-être l’insuffisance
de communication à travers des notes de conjonctures.
44) A quelles conditions ces
financements sont-ils obtenus ? Le FMI n’est pas une organisation caritative ou
humanitaire qui prêterait de l’argent frais les yeux fermés ou sans compter, à
n’importe qui. Non ! Toute
intervention de l’Institution financière, FMI est conditionnée à la mise en œuvre des réformes structurelles
convenues et à un suivi pointilleux de leur calendrier d’application. Une
manière de confirmer que cette institution financière a donné son accord
préalable en connaissance de cause dans
le cadre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) après analyse et diagnostic financier
de la situation politique et économique de 2012 : gouvernement de
transition suite au coup d’Etat avec toutes les conséquences macroéconomiques
qui en découlent…Depuis plus de 15 ans, le gouvernement accuse chaque année un déficit
chronique. L’Etat guinéen est obligé d’emprunter à nouveau pour couvrir leurs
coûts de gestion et de structure ainsi que le paiement des dettes antérieures
dont les intérêts et le remboursement de capital. Voici un exemple concret des
arriérés d’un financement en date de 1993 en Guinée Bissau et dont les
remboursements sont arrêtés en 1999 pour les raisons que nous connaissons tous
pour être repris par le Gouvernement DSP en 2014.
Tableau
des arriérés d’endettement au 20/04/2016 en euros :
Capital dû 1 ,6 7 5 ,6 0 7 .2 2 € soit 1 099 198 336 F cfa
Intérêts dû 2 8 8 ,6 6 8 .2 4 € soit 189 366 365 F cfa
Pénalités dues 2 9 ,8 8 6 .3 1 € soit 19 605 419 F cfa
Pénalités prévisionnelles de retard sur Capital et Intérêts dus 5 7 3 ,2
9 5 .7 0 € soit 376 081 979 F cfa
Pénalités prévisionnelles sur intérêts courus 787 955 € soit 516 898 382
F cfa
Grand Total 3, 355,
412.32 € soit 2 201 150 482Fcfa
Cet exemple concret illustre
bien les conséquences économiques et financières que les générations sont
obligées de supporter en raison des différents coups d’Etat, des gouvernements
de transition successifs ou des gouvernements de gestion. Est-il normal qu’un Gouvernement de transition ou de
gestion précaire signe des accords et des mémorandums économiques et financiers
qui engagent le Pays pendant les 10 ou 15 prochaines années ? La stabilité politique et
institutionnelle, la stabilité économique et financière sont les conditions
sine qua nun pour le développement durable de la Guinée Bissau ! Nous
pouvons tous y arriver par la mobilisation de chaque citoyen par une vision
commune et par des stratégies convergentes.
Alfredo
Balucun, Professeur
Master 1 Economie monétaire et Stratégies Financières
www.investirenguineebissau.com
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