segunda-feira, 26 de agosto de 2019

LÉGISLATIVES PORTUGAL - Que veut Joacine Katar Moreira ?


D’origine Bissau-Guinéenne, la jeune femme est tête de liste à l’élection législative portugaise d’Octobre 2019. Dans le pays européen précurseur de la traite des noirs et où la présence noire a été la plus massive et la plus durable, l’investiture de cette enseignante est une chance pour la diversité et l’ouverture démocratique du pays.

Ecologie, droit de vote des immigrés, droits des femmes et statistiques ethniques pour faire rentrer le Portugal dans la modernité.

Révélation des élections européennes de mai 2019 où la presse la qualifiait déjà de « première femme noire candidate en position éligible » sur la liste d’un parti politique portugais (en 2e position, elle ne sera pas élue), Joacine Katar Moreira ne s’est pas découragée et a continuée à labourer les thèmes qui lui sont chers : les droits des minorités, l’humanisme, l’antiracisme et l’écologie.

Et naturellement, le jeune parti Livre « Libre » de tendance « gauche libertaire, écologique et européenne » fondé en 2014 par l’ancien eurodéputé Rui Tavares, a choisi de l’’investir pour les élections législatives du 6 octobre 2019 comme tête de liste à Lisbonne. Tout un symbole !

Un choix qui atteste de la conscience historique des cadres et militants de ce parti. En effet, des anciens ports négriers européens, Lisbonne est celui qui a le plus déporté d’Africains sur son sol.

Dès la fin du 16e siècle, 10 % de la population lisboète est noire. C’est que les Portugais, premiers colons Européens à débarquer sur le sol Africain et à se lancer dans la Traite et l’Esclavage des Noirs, s’installent sur la côte occidentale notamment dans le pays d’origine de Mme Katar Moreira, la Guinée-Bissau, d’où ils déporteront des captifs vers les iles Africaines en leurs possessions comme le Cap-Vert ou Sao Tome mais aussi et surtout vers Lisbonne et le Brésil, leur principale colonie en Amérique.

A Lisbonne plusieurs quartiers portent encore les traces de cette importante population Noire promise à l’esclavage et donc aux travaux les plus dégradants que les Lisboètes se refusaient en ce 16e siècle. En témoignent notamment la fameuse Rua Da Poca Negra au cœur de la capitale portugaise mais aussi l’étonnant quartier Cova Da Moura, sorte de Favellas sur les hauteurs de Lisbonne où on se croirait dans les ruelles de Praia.

Consciente de cette histoire Africaine du Portugal, en tant qu’Afrodescendante mais surtout en tant qu'historienne, Joacine Katar Moreira a étudié l’impact du fait colonial sur la société et, en particulier, sur le renforcement des inégalités. Pour cette novice en politique et immigrée depuis l’âge de huit ans, il existe au Portugal « un environnement raciste institutionnel qui a eu un impact considérable sur la manière dont les Africains et leurs descendants continuent à être compris dans la société ».

Chercheuse à l’Institut Universitaire de Lisbonne, la jeune femme de 36 ans a créée l’Institut de la Femme Noire (Inmune, Instituto da Mulher Negra) et veut participer à l’ouverture démocratique d’un pays qui a encore beaucoup de mal à s’ouvrir à sa diversité.

Plus qu’un symbole, elle milite pour les droits des femmes mais aussi contre « l'invisibilité et le silence » des minorités en annonçant son engagement pour le droit de vote des immigrés aux élections locales et pour des statistiques ethniques.

« Nous exigeons que tous les immigrants qui ont un permis de séjour aient le droit de voter. L’immigré qui détient le permis de résidence signifie des années et des années d’investissement dans l’économie nationale, des années de contribution à son travail, des connaissances pour la construction d’une société…Il faut élargir la citoyenneté pour que nous puissions enfin changer ces hiérarchies ainsi établies depuis la colonisation », a récemment déclaré Joacine Katar Moreira.


La première femme d'origine africaine à être élue tête de liste aux élections législatives au Portugal affirme ainsi sa détermination dans un pays où l’ouverture et la reconnaissance de la diversité sont d’une lenteur exaspérante.

Le pays s’honorerait à rentrer aussi dans un travail de mémoire sur son histoire coloniale. Cela pourrait passer par le vote, comme l’a fait la France en 2001, d’une loi qui déclare la traite et l’esclavage des noirs crimes contre l’humanité. Un nécessaire devoir de mémoire pour ouvrir le chapitre des réparations d’une histoire qui a généré nombre d’inégalités contemporaines.

Boa Sorte Senhora Moreira !

Karfa Sira DIALLO

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